Balade dans les rues de Walentir

Walentir, cité de lumière aux hautes murailles, aux bâtiments rivalisant de beauté et de grandeur et où, si l'on en croyait les récits d’antan, les habitants vivaient heureux de jour comme de nuit.

Hélas, si la ville avait jamais été comme cela, ce n'était plus tout à fait le cas aujourd'hui. Dire que la ville avait sombré serait tout de même une exagération. La ville était toujours belle et les habitants vivaient, pour la plupart, une vie simple mais joyeuse. Malheureusement, comme dans toutes les villes humaines, la pauvreté sévissait, surtout en ces temps de guerre. D'ailleurs, les soldats étaient bien plus nombreux qu'à l'accoutumé, la plupart fraîchement enrôlés pour aller prêter main forte au front, situé sur le côté est de la ville. Certains de ces soldats avaient à peine atteint la puberté et c'était un coup au cœur que de voir ces visages imberbes s'élancer vers le champ de bataille, un mélange d'excitation et d'angoisse mêlés. Lorsqu'ils reviendraient en ville, leur visage exprimerait au mieux la tristesse, au pire l'air froid et neutre de la mort.

Asarith croisa ainsi une troupe d'hommes et de femmes en armes qui se précipitaient vers la porte Est de la ville. Sur leur passage, certaines personnes les acclamaient, les appelaient héros. Les plus lucides se signaient, priant les dieux pour qu'ils épargnent maris, femmes, frères, sœurs et enfants. Mais cela ne concernait pas Asarith, du moins pas directement. Il n'était pas au milieu de la colonne et il était peu probable que quelqu'un lié à lui par le sang s'y trouve. Même si au milieu des Humains, on pouvait apercevoir des Elfes Noirs. Des Elfes Sylvains aussi, des Orcs, des Nains et des Lycans, reconnaissables aux quelques caractéristiques animales qu'ils portaient.
Mais comme dit plus tôt, cela ne le concernait pas. Asarith marcha donc un peu au hasard des rues, cherchant quelque information intéressante.
C'est ainsi qu'au cours de sa marche, l'Archer atteignit la fontaine de Walentir. Dire que c'est un hasard est seulement à moitié vrai. La fontaine se tenait sur la place centrale de Walentir et toutes les rues y menaient fatalement. Ainsi, les statisticiens du royaume avaient démontré qu'un homme marchant au hasard dans la rue avait 60% de chance de tomber sur la fontaine en moins de deux heures. La rumeur disait que lesdits statisticiens avaient été mis en prison pour avoir gaspillé leur temps pour des futilités pareilles. Enfin bref.
La place était un peu plus animée que les ruelles. Par chance, Camdibor n'avait pas encore bombardé la cité, ce qui laissait aux habitants la possibilité de flâner un peu partout, de tremper leur main dans l'eau et de bavarder gaiement. Si Asarith tendait un peu l'oreille, il arriverait certainement à entendre quelque information d'intérêt.


Observation : 20 (eh bah, mon dé est en forme !)


Assis sur le rebord de la fontaine, Asarith se servit de l'écoulement régulier de l'eau pour calquer les vibrations de ses tympans sur les bruits alentours (le premier qui dit que cette technique c'est du bullshit, je lui balance un météore sur la tronche !). Aucune conversation ne lui échappait plus. L'Elfe Noir entendit ainsi une mère se plaindre que son enfant tétait avec trop de force, un homme qu'il avait fait de magnifiques affaires au marché noir et un gamin déclarer qu'il avait vu un monstre gigantesque dans sa cave. Un peu plus loin, un homme montrait un papier à tous ceux qu'il croisait. Visiblement, il cherchait quelqu'un, son fils d'après ce qu'entendait Asarith.
Tout à coup, l'Elfe Noir sentit une main se poser sur son épaule et il se retourna vivement. Il se retrouva devant un homme aux cheveux châtains coupés au bol arborant une cicatrice partant du sommet de la lèvre qui remontait jusqu'au lobe de son oreille droite. Il esquissa un sourire et murmura à Asarith :

-Dis-moi, l'Elfe Noir, tu cherches du travail ? J'ai un boulot à te proposer. C'est pas difficile et tu seras bien payé. Ça t'intéresse ?

-C'est très simple, répondit l'homme en élargissant son sourire. Vois-tu, je sais que vous, les Elfes, êtes plutôt agiles, plus que les humains en tout cas. Et je sais que les Elfes Noirs n'ont pas peur de tremper dans quelque chose de pas tout à fait légal. Oh, rassure-toi, je ne te demande pas de t'associer à un meurtre ou un vol, loin de là. C'est bien moins grave que ça. Ça concerne juste la prostitution.

Il se tut un court instant avant d'éclater de rire :

-Ne t'inquiètes pas, tu n'auras pas à donner de ton corps, je te le promets. Enfin, pas de cette façon en tout cas. Laisse-moi t'expliquer toute l'affaire, j'aime que mes associés soient au courant de tout.

Il sortit de sa poche un petit bout de parchemin. Il sortit alors du tabac de sa poche, le versa sur le papier et le roula ensuite. Il mit alors le feu au bout de son drôle de mélange avec un briquet à silex, un objet de valeur que seuls de très riches personne pouvaient posséder. Cet homme gagnait bien sa vie.

-Ça remplace la pipe, dit-il, et c'est plus facile à transporter. A mon avis, ça aura du succès d'ici peu. Où en étais-je... Suis-je bête, je 'avais même pas commencé. Alors voila : comme tu l'auras compris, je gère un établissement de prostitution de luxe. Ce travail n'est pas autorisé mais toléré, ce qui fait que tant qu'on ne s'aventure pas trop près du palais, on peut faire ce qu'on veut. Le fait est que nos clients sont généralement - en fait, je devrais dire tout le temps - des hommes riches prêts à payer cher pour une ou deux heures en compagnie de nos chères concubines. Le fait est qu'un de nos clients, qui a rendez-vous avec nous dans moins de deux heures, a été de nombreuses fois menacées de mort. Nous craignons que ses ennemis profitent de l'occasion pour mettre leurs menaces à exécution. Ce que nous souhaitons, c'est que tu patrouilles sur les toits proches, qui sont au même niveau que la chambre qu'a choisis notre homme. C'est tout. Tu surveilles et si quelqu'un s'amuse à jouer les funambules, tu lui offres un vol plané gratuit avec les compliments de la maison.

Il aspira un peu de fumée et la rejeta dans l'air, loin d'Asarith. L'odeur était plutôt douce, contrairement à beaucoup de celles envahissant les tavernes.

-Trente pièces d'or pour deux heures de patrouille, et peut-être un coquin à corriger. Et un bon de réduction de 50% pour notre établissement. Alors, qu'est-ce que tu en penses ?

L'homme tendit la main vers Asarith, attendant sa réponse, de la fumée s'échappant paresseusement du bout de papier enflammé à son bec.

L'homme hocha la tête d'un air satisfait avant de répondre :

-Comme je te le disais, notre homme arrive dans moins de deux heures. Allons-y immédiatement.

Le nouvel employeur d'Asarith jeta son papier enflammé dans la fontaine avant de se diriger vers une ruelle. l'Elfe Noir lui emboîta le pas.

Ils marchèrent près d'un quart-d'heure dans les ruelles de la ville,empruntant des détours qui auraient perdus l'Archer s'il n'avait pas été guidé. Mais finalement, ils atteignirent un bâtiment. Celui-ci était haut, au moins deux fois la taille d'une taverne comme celle de Walentir, celles avec des chambre à l'étage. Des colonnes et des petits jardins décoraient ce qui ressemblait plus à une tour qu'à une maison de plaisirs. Une petite statue était néanmoins présente. Elle représentait une scène qu'il vaudrait mieux éviter de décrire pour l'instant. Disons simplement que si Vita avait été emmenée ici, elle serait devenue toute rouge et muette pour un bon moment (et aurait probablement détruit la tour d'un sort de terre, mais bon). L'employeur entra dans le bâtiment, suivit d'Asarith. L'intérieur était bien plus luxueux. Des tapis rouges, des décorations de marbre doré à l'or fin, des miroirs plus haut qu'un Orc, et une grille en bois suspendue par des chaînes d'où pendaient de très nombreuses fleurs. Un petit paradis.
L'Elfe Noir fut conduit à l'étage et on le fit pénétrer dans une chambre vide. Un énorme lit rouge, qui aurait pu accueillir plus de cinq personnes à la fois (ce qui avait probablement du arriver) était en son centre. Le reste de la pièce était jonché de coussins. pas de meubles, juste un miroir. Là, on lui ouvrit l'unique fenêtre qui menait à un petit balcon :

-Cette fenêtre, lui expliqua son patron, est la seule qui mène à cette chambre, celle où aura lieu... l'acte. C'est donc la seule que tu devras surveiller. Ne t'inquiètes pas pour l'intérieur, d'autres gars s'en chargeront. Surveille la fenêtre et les toits environnants et c'est tout.

Il jeta un coup d’œil dans le couloir, vers une pendule à eau, et lança :

-Il nous reste une heure et quart avant l'arrivée du client. Tu veux quelque chose à boire avant ? On a toutes les boissons proposées par la Taverne, alors je t'en propose une gratuite pour passer le temps pendant une heure. Oh, et si tu as une question, n'hésite pas.

Asarith se posta donc sur le toit, attendant la suite des événements. Pendant une bonne heure, rien de suspect ne se passa. Seul un chat osa passer devant lui mais il se contenta de siffler, de donner quelques coups de pattes en l'air et de fuir en voyant l'Elfe Noir. Il ne s'agissait probablement que d'un chat, mais il était aussi possible qu'il s'agisse d'un Lycan transformé. Mais il avait fuit et rien ne semblait l'indiquer.
Toujours est il qu'au bout d'un heure et quart d'attente, les yeux perçants de l'Archer distinguèrent le client, un homme appartenant visiblement à la très haute noblesse (probablement même un proche du roi lui-même), entrer dans la maison close. Il se passa ensuite cinq bonnes minutes avant que les fenêtres de la chambre à surveiller ne se ferment. Heureusement, aucun son ne passait à travers les volets de bois.

Les minutes passaient, les nuages défilaient et Asarith surveillait. Au bout d'un quart-d'heure, rien. Au bout d'une demi-heure, toujours rien. Au bout de...
Tout à coup, après quarante minutes d'attente, les volets explosèrent. Pour être exact, ils furent découpés et expulsés à l'extérieur. L'Elfe Noir se tourna immédiatement vers l'origine du bruit. Une hirondelle s'envola à tire-d'ailes de la chambre. Par réflexe, Asarith tira.


Puissance / Précision : 5 / 14

Esquive : 2


Le carreau fila au-dessus de l'oiseau, éraflant à peine ses ailes. L'animal se posa derrière l'Elfe Noir et, en un clin d’œil, c'est une jeune femme à la peau mate et aux cheveux noirs habillée d'une sorte de toge blanche et rouge qui se tenait là. Elle s'élança sur le toit, ses pieds nus frappant les tuiles au rythme de sa course.

-Attrape la, l'Elfe Noir ! Elle a tuée le client !

Les craintes d'Asarith s'étaient révélées exactes. La prostituée était bien un Assassin. Mais il n'avait pas besoin qu'on lui crie de la poursuivre. Il était déjà sur ses traces.


Rapidité :
Asarith : 3
Assassin : 14


Malheureusement, l'Elfe était plus habitué à courir sur des routes plates que sur des toits pentus. La jeune femme le distança bientôt et il la perdit alors qu'il atteignait les abords du palais royal. Tournant la tête à droite et à gauche pour la repérer, il devait bien avouer qu''elle l'avait distancé.


Observation : 14


Mais quelque chose attira soudain son attention. Sur un des piliers à l'entrée du palais du souverain, une petite marque rouge luisait. L'Elfe s'en approcha et se rendit compte rapidement de ce qu'il s'agissait : une trace de main avec un peu de sang. La trace traînait vers la droite et s'effaçait, elle avait donc laisser glisser sa main vers là-bas. Asarith suivit la direction en longeant les murs du palais. Il ne tarda pas à découvrir où elle s'était réfugiée : l'entrée des domestiques était ouverte et de nombreuses personnes allaient et venaient à travers. Elle devait faire partie des servantes du palais royal.
Que faire maintenant ? Si Asarith pénétrait dans le palais sans autorisation, ce serait très mauvais pour lui s'il se faisait prendre. Néanmoins, revenir vers son employeur et lui annoncer qu'il avait échoué signifiait un adieu à sa récompense. Asarith devait faire un choix.

La porte de service donnait directement sur un couloir. Asarith posa un pied précautionneux à l'intérieur. Quelques portes étaient percées sur les murs du boyau. Les deux plus proches étaient ouvertes, donnant sur ce qui ressemblait à des vestiaire, l'un remplit d'habits d'hommes, l'autre de femmes. Des habits de domestiques, évidemment. Cela pouvait être une bonne idée d'en revêtir, mais il y avait déjà deux hommes en train de discuter dans le premier vestiaire et l'Elfe Noir risquait de se faire repérer. Quand au vestiaire des femmes, il semblait vide, mais Asarith ne ressemblait pas vraiment à une jeune fille.
Pas de trace de la fugitive, en tout cas. Soit elle s'était caché dans une des pièces (Asarith comptait 3 portes alignées de chaque côté, donc 6 portes en tout, soit 6 cachettes au total), soit elle avait continué plus loin. Et pas de trace de sang pour lui donner quelque indication que ce soit.
Que faire ?

Discrétion : 13 + 1 (bonus de race) = 14


Asarith s'avança donc à travers le couloir, essayant d'être aussi discret que possible (ce n'était vraiment pas le moment de se faire remarquer). Le couloir se prolongeait sur quelques mètres en ligne droite avant de déboucher sur une nouvelle pièce. Celle-ci, de forme circulaire, était à peu près aussi grande que la salle de la taverne de la ville. A la gauche de l'Elfe, trois couloirs s'élançaient. A sa droite, c'était deux couloirs qu'il pouvait voir. En face, un escalier descendait. Et au milieu de la salle, un panneau indicatif. Pratique.
L'Archer s'approcha et observa les écriteaux. Un dessin pour chaque direction. Les serviteurs du roi étant pour la plupart illettrés, c'était la meilleure façon pour eux de ne pas se perdre.
Pour les trois couloirs de gauche, les dessins représentaient un couteau et une fourchette, un grand siège et un lit. Pour les couloirs de droite, ils représentaient un balais pour l'un et un chien pour l'autre. Le panneau pointant vers l'escalier était plus gros, et comportait le dessin d'un carré percé de barres verticales ainsi qu'un gribouilli informe ne ressemblant à rien. Impossible de dire de quoi il s'agissait.
Enfin, trois plaques indiquaient l'arrière, vers le couloir d'où venait Asarith. Ils représentaient un vêtement, une sorte de trou survolé par des lignes courbes verticales et un baquet dans lequel trempait une tunique.
L'Elfe Noir venait de pénétrer dans la salle centrale des domestiques, là où ils passaient afin d'aller d'une pièce à l'autre. Restait à savoir quelle salle menait où et par où était parti l'assassin.

Discrétion : 9 + 1 = 10



Asarith tourna les talons et avança avec circonspection dans le couloir. En si peu de temps, rien n'avait changé. En passant devant la porte des vestiaires des hommes, il entendit toujours les deux domestiques discuter - de l'état actuel du front, ce genre de choses. Ils ne firent pas attention à lui et l'Archer put sortir sans problème.
Une fois à l'extérieur du palais, un vent frais souffla sur la peau de l'Elfe Noir. Personne ne l'avait arrêté, c'était déjà ça. Maintenant, il devait décider quoi faire.

Asarith s'avança dans la grand-rue en direction de la sortie nord. Mais plus il avançait, plus il sentait que quelque chose n'allait pas. Il y avait de plus en plus de monde dans la rue et lorsque l'Elfe Noir arriva une vingtaine de mètres de la porte, il eut l'impression de se retrouver dans une ruche, avec des Walentiriens à la place des abeilles. Quelque chose se passait-il aux portes de la ville ?

-Ils ont bloqué la sortie.

Adossée à une façade, les bras croisés,  une jeune femme, à peu près une vingtaine d'années, regardait vers la foule amassée devant la porte. Mais ses paroles étaient bel et bien dirigées vers l'Elfe Noir. Elle tourna d'ailleurs la tête vers lui, faisant voler une mèche de ses courts cheveux noirs devant ses yeux sombres et elle continua :

-Vous vouliez sortir, non ? Désolée de vous l'annoncer, mais sans autorisation spéciale ou d'insigne officiel de soldat, ce n'est pas possible. Ils autorisent les voyageurs à entrer - enfin, ceux dont ils sont sûrs qu'ils n'appartiennent pas à Camdibor - mais ils ne laissent aucun civil sortir.

Elle secoua la tête :

-Je sais pas si c'est une bonne tactique ou pas. Ils assurent la sécurité de leurs habitants, ça c'est sûr. L'ennuie, c'est qu'ils risquent de déclencher une révolte du peuple. La plupart des habitants veulent sortir hors des murailles de la ville, même s'ils risquent de se faire tuer à tout moment.

Elle haussa les épaules avant d'enchaîner :

-Je sais pas pourquoi vous vouliez sortir, mais vous feriez mieux d'entrer dans l'armée ou de vous dégotter une mission spéciale en extérieur. Autrement, je vois pas comment vous pourriez sortir.

La jeune fille se tut et observa l'Archer. Son regard était plutôt étrange, comme si elle attendait sa réaction...

La jeune femme regarda d'un air blasé vers le palais qu'Asarith venait de quitter et indiqua :

-Vous voyez le palais ? Vous trouverez le secrétariat dans un bâtiment juste à côté. Adressez-vous au secrétaire là-bas, dites-lui que vous voulez rentrer dans l'armée et précisez bien le rôle que vous voulez qu'on vous attribue. Si vous êtes médecin, s’agirait pas qu'on vous mette en première ligne.

Elle esquissa un sourire avant d'ajouter :

-Si vous vous inscrivez, on se retrouvera peut-être. Je compte le faire aussi, mais j'ai quelques petites choses à faire, avant.

Elle décolla son dos du mur et semblait s'apprêter à partir quand tout à coup, elle tourna la tête vers Asarith, fronça les sourcils et s'approcha un peu de lui :

-Dites-moi, vous les Elfes, vous avez une bonne ouïe, non ? A ce qui paraît, vous entendez beaucoup de choses, ici et là, non ?

Elle sortit un parchemin de sa poche et le tendit à l'Elfe. Dessus, était représenté, tracé au fusain, le visage d'un Humain aux cheveux longs et ébouriffés.

-Je cherche ce garçon, si vous le croisez, vous pourrez lui dire que Mynna est à Walentir ? Son nom est Elcaro.

Et avant qu'il ne puisse répondre, elle rangea le dessin et s'avança vers un passant à qui elle ressortit le dessin pour l'interroger. Drôle de jeune femme...

La personne qui se trouvait derrière le bureau était une Lycanne-Écureuil visiblement débordée. Ses mains s'agitaient dans tous les sens, des papiers étaient éparpillés sur son bureau et elle regardait sans cesse un peu partout, comme si elle s'occupait de nombreuses tâches à la fois. Lorsqu'Asarith se présenta, ses oreilles animales et la fourrure de sa queue frémirent. Elle se protégea la tête des mains, ferma les yeux et cria d'une voix plaintive où perçait la crainte :

-Navré, Monsieur, mais je ne peux faire sortir personne, ordre direct du Roi ! Je vous en supplie, ne me menacez pas vous aussi !

Il y eu un petit instant de silence avant qu'elle n'ouvre les yeux et n'observe véritablement Asarith. Elle dut reconnaître en lui un aventurier (les secrétaires de la ville suivait un entraînement spécial pour pouvoir les reconnaitre au premier coup d’œil), car elle se détendit tout à coup et sa bouche s'ouvrit en un sourire :

-Ah ! Bienvenue au secrétariat ! Veuillez m'excuser de ma méprise, je vous prie. Depuis la mise en place du blocus, il y a moins d'une heure, j'ai reçu tellement de menaces de mort des habitants outragés que... enfin, vous voyez le résultat.

Elle remonta les petites lunettes qui pointaient au bout de son nez et elle s'empara d'une fiche qui traînait sur son bureau, la parcourut rapidement et la tendit enfin à l'Archer :

-Voila voila ! Veuillez remplir ceci, je vous prie ! Si vous avez le moindre problème, vous pouvez me le signaler.

Elle tendit aussi un crayon de graphite à l'Elfe avant de lui indiquer un siège. Une fois assis, il put parcourir ladite fiche :

Nom :
Prénom :
Âge :
Peuple d'appartenance :
Profession :
But :

Au moment-même où il lisait la dernière ligne (les secrétaires étaient aussi entraînés à ça), la Lycanne s'exclama :

-Sur la dernière ligne, mettez simplement votre objectif si vous en avez un. Si vous désirez être affecté à un type de mission particulier, aussi.

La Lycanne récupéra la fiche et la lu avec attention avant de la ranger dans un petit dossier :

-Très bien, Monsieur Faren. Alors, pour ce qui est de votre mission...

Elle consulta activement un gros grimoire rouge et tourna les pages avec célérité, s'arrêtant quelques fois pour un commentaire ou deux :

-"Cueillir des champignons", non, ce n'est pas un travail d'éclaireur, ça... Pas ça non plus... Hum... "Escorter les diligences"... Ah non, elle a été accomplie, celle-là...

Elle consulta son registre encore un moment avant de s'exclamer :

-Ah, voila, j'ai trouvé ! Alors voila ce que j'ai pour vous : il y a quelques semaines, un Mage est décédé. Sa tour se trouve en ville, accolée à la muraille. Le fait est qu'il possédait de nombreux artefacts puissants et qui pourraient nous être très utiles. Mais le problème est que la tour est piégée et ne laisse tranquille que les anciens membres de sa coalition. Hors, les cinq membres qui la composaient sont portés disparus. Nous avons essayé d'y envoyer des hommes à nous, des Guerriers bien entraînés. Mais ils sont tous revenus avec diverses contusions et brûlures. Alors nous avons pensé qu'une équipe composée de membres plus discrets pourraient y arriver. Si vous acceptez, nous vous ferons patienter avant l'arrivée des autres membres qui composeront votre équipe. Votre mission sera de pénétrer dans la tour et d'en revenir vivant, tout simplement. Même si vous ne retrouvez pas les artefacts demandés, une simple cartographie des étages inférieurs et une description des pièges suffira. Qu'en pensez-vous ?

[Si tu savais comme je te comprends ^^]



La Lycanne eut l'air ravie de l'assentiment de l'Archer et elle se leva de son siège :

-Par ici, je vous prie !

Elle mena l'Elfe Noir dans une petite pièce attenante. Quatre fauteuils moelleux s'y trouvaient, entourant une table basse où se trouvaient un assortiment de fruits frais. Un petit feu brûlait sagement et éclairait la pièce et les bibliothèques accolées à ses murs. L’œil exercé d'Asarith repéra quelques titres : "Stratégie Walentirienne à travers l'Histoire", "Les grandes batailles contre les Démons", "Faire la guerre pour faire la paix"... Le propriétaire de la pièce n'était visiblement pas du genre à lire "Tournenron le petit Elfe au pays des champignons".
Un des fauteuils était déjà occupé. Un jeune homme s'y trouvait déjà. Asairth lui donnait moins de vingt ans, peut-être même n'avait-il atteint la majorité que tout récemment. Ses cheveux d'un blanc cendreux atteignaient le lobe de ses oreilles et lorsque l'Elfe Noir et la Lycanne entrèrent, il leva sur eux des yeux d'un violet profond. Il tenait un livre entre les mains, dont le titre annonçait "La fabrication des poupées à travers l'histoire - Volume VIII". Les sept précédents volumes devaient se trouver dans le rayonnage autour de lui.

-Voici votre premier équipier, annonça la secrétaire à l'inconnu, Faren. Faren, je vous présente Élias, le premier membre de votre équipe.

Le dénommé Élias hocha la tête avec un sourire avant de dire :

-Enchanté. Puisque nous allons faire un bout de chemin ensemble, j'espère que nous nous entendrons bien.

Il se leva, faisant claquer le grand manteau noir dans lequel il était drapé, et déposa le livre qu'il était en train de lire dans un espace vide de la bibliothèque. Il attrapa ensuite le livre qui se trouvait juste à côté, probablement le neuvième tome de sa petite série.

-Je vais vous demander d'attendre ici un moment, expliqua la secrétaire à Faren. Lorsque le dernier membre arrivera, je vous l'emmènerai avant de vous fournir plus de détails sur votre mission. n'hésitez pas à vous servir, que ce soit en nourriture ou en livres. Sur ce...

Et sur ce, elle prit congé, refermant la porte derrière elle. Élias s'était rassit dans son fauteuil, déjà plongé dans son livre. Il parcourait les pages à une vitesse stupéfiante, ne restant pas plus de cinq secondes avant de tourner une page. Soit il lisait vite, soit il ne regardait que les images.
Asarith ayant un peu de temps à tuer, qu'allait-il faire ? Peut-être était-ce le moment d'en apprendre plus auprès de son nouvel allié ?

Ce n'est que lorsque la porte se rouvrit qu'Asarith rouvrit un œil. Difficile de dire combien de temps s'était passé, mais Élias tenait alors en main La fabrication des poupées à travers l'histoire - Volume XII. Et il était à la moitié du grimoire.

-Messieurs, tonna la voix de la secrétaire Lycanne à la porte, voici votre dernier compagnon de route !

En fait, de compagnon, il s'agissait plutôt d'une compagne. La femme qui se tenait face à eux n'était pas une débutante, les cicatrices qui couvraient son visage et ses bras dénudés en attestaient clairement. Un menton carré, des oreilles attestant de ses origines elfiques, un nez joli mais cassé, des yeux vifs et sombres et des cheveux auburn coupés en brosse formaient sa tête. Son torse était fin mais sec et nerveux. Ses bras et ses doigts étaient plutôt longs et ses poignets étaient protégés de bracelets en métal sertis de lames. Quand à ses jambes, elles étaient fines mais musclées. Nul doute que sous sa tunique de cuir et son pantalon de lin, elle cachait autant de cicatrices que sur le reste de son corps.

-Mon nom est Louise, dit la nouvelle venue d'une voix douce, contrastant violemment avec son apparence. Ravie de rencontrer mes compagnons de quête.

La jeune secrétaire pointa du doigts les deux jeunes hommes :

-Voici Faren, un Archer, et Élias, un Assassin, tout comme vous. Maintenant que votre équipe est complète, je pense que nous allons pouvoir commencer.

La jeune femme se dirigea vers l'âtre et se plaça devant. Aussitôt, l'air enfantin qu'elle arborait habituellement laissa place à une expression plus martiale, comme si une nouvelle personne venait de prendre sa place. Élias referma son grimoire et le posa sur la table tandis que Louise vint se placer entre la porte et la table. Les quatre personnes présentes dans la pièce étaient ainsi réparties autour de la petite table. La secrétaire toussota avant de dire :

-Bien, petit rappel : vous devez donc vous introduire dans la tour d'un Mage de Walentir afin d'en cartographier les premiers étages. En réalité, c'est dans la partie inférieure de la tour que vous allez vous introduire.

Elle déploya un parchemin qu'elle venait de tirer de sa tunique et les trois nouveaux compagnons se penchèrent pour observer le croquis. La tour se dressait, vue de profil, bien droite vers le ciel. Mais plus intéressant, une sorte d'escalier descendait vers les profondeurs de la terre avant de s'arrêter net.

-Ce qui nous intéresse se trouve dans les étages inférieurs. D'après nos quelques sources, il y aurait plus de cinquante étages là-dessous, et ces estimations sont probablement à doubler.

Élias l'interrompit :

-Comment est que personne à Walentir n'a pu s'en rendre compte ?

La jeune femme se tourna vers lui :

-Mafrost de Nwar'Plum, l'ancien propriétaire de cette tour, était un puissant Mage. En fait, vu le niveau qu'il avait, il aurait probablement eu le titre d'Archimage s'il n'était pas décédé. De fait, il a blindé sa tour de pièges magiques et de sorts contre la détection, dont certains qu'il a composés lui-même.

-S'il était aussi puissant, intervint Louise, est-ce qu'on ne devrait pas s'inquiéter de ce qui l'a tué ?

-On ignore effectivement les raisons de sa mort. Mais avant de disparaître, ses compagnons nous ont assuré qu'il n'y avait rien à craindre. Je pense que les magistrats de plus haut niveaux sont au courant des faits dans leur intégralité, mais moi non.
Toujours est-il que l'endroit est piégé, et même bien piégé. Plus on s'enfonce profondément, plus les pièges sont dangereux. C'est ce que nous en avons déduit de toutes les sources que nous avons pu croiser. Alors pour votre sécurité, je vous demande de cartographier et recenser les pièges au moins jusqu'au cinquième étage mais de ne surtout pas dépasser le dixième.

Elle s'interrompit un instant avant de poursuivre :

-Pour cette mission, nous avons pu débloquer quelques fonds : nous vous fourniront deux potions de soin mineur à chacun, ainsi que ceci.

Elle tendit à l'équipe un drôle de médaillon. On aurait dit une boule de verre entourée de plusieurs anneaux dorés.

-Il s'agit d'un médaillon de retour. Le principe est simple : versez une goutte de sang dans le réceptacle (à ces mots, elle dévissa le médaillon qui se sépara en deux demi-sphères parfaites) et si vous avez un ennui, brisez le médaillon. Vous serez alors tous transportés immédiatement dans cette salle. C'est un objet très rare et très précieux, alors ne l'utilisez qu'en dernier recours.

Elle laissa l'information entrer dans le cerveau des aventuriers avant de conclure :

-Est-ce que vous avez des questions ? Sinon, si vous acceptez votre quête, et bien piquez ou coupez simplement votre doigt et faites tomber un peu de sang dans la coupelle du médaillon. Dans le cas contraire, vous pouvez passer la porte. Mais si la moindre information concernant cette quête filtre à l'extérieur, vous serez les premiers à être pourchassés et interrogés.

Un silence s'installa, pendant lequel Élias sembla prendre le temps de réfléchir. Louise, quand à elle, s'entaille immédiatement la paume sur un de ses bracelets et laissa couler une goutte de sang dans la coupelle.